Contribution France d’après

26 mai 2020

Articuler les initiatives de terrain et les décisions des gouvernants

 

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Ecarter la menace climatique exige de changer nos modes de vie. Ce que nous ne nous laisserons pas imposer par le haut.

Selon les rapports du GIEC, il reste deux mandats municipaux avant le déclenchement des 2°C de réchauffement de l’atmosphère.

Economiser du CO2 donne du pouvoir d’achat, augmente le bien-être et crée de l’emploi. Cela ne devrait pas être politiquement dissuasif. Avec cette augmentation de pouvoir d’achat, on peut investir dans le renouvelable, le bien-être, diriger la création monétaire sur l’économie réelle plutôt que sur la spéculation.

Les 25 COP et les politiques nationales depuis le Grenelle de l’environnement ont fait la démonstration de leur nécessité mais aussi de leurs limites, sans actions locales efficaces, massives, articulées avec les injonctions nationales.

Pourtant, 13 ans après le Grenelle de l’environnement, force est de constater, à l’usage que nos politiques publiques continuent d’ignorer les initiatives et les forces vives sur le terrain, refusent de les promouvoir, d’y concourir et d’organiser leur reproduction.

Même devant un danger mortel, immédiat, le covid-19.

Cette expérience collective dans la durée et immédiate conduit à une proposition on ne peut plus politique.

I-Actualité :

3 hôpitaux du Val d’Oise qui lancent un signal de détresse le 20 mars, au plus fort de la crise sanitaire, l’appel immédiat de l’un d’entre nous à produire des masques (http://agirlocal.org/20200320-protections-soignants/), 400 mails, plusieurs posts Linkedin (totalisant plus de 10 000 vues) et nous étions près de 500 bénévoles au moment du déconfinement.

Successivement cette initiative à mis en évidence nos soignants de ville et de campagne, démunis, puis les 10 millions d’actifs qui sortaient chaque jour de chez eux sans protection pour faire tourner le pays puis les 10 millions de pauvres qui n’ont pas les moyens d’acheter des masques.

La construction, avec préméditation, d’une usine citoyenne de fabrication de masques artisanaux afnor a fait la démonstration de la puissance de l’initiative locale organisée, jusque là délaissée :

Extrait d’une note du 28 mars :

« Pourquoi s’investir dans une initiative citoyenne de fabrication massive de masques artisanaux, validés, contre le Covid 19 ? Pourquoi tenter d’inventer depuis le terrain une organisation pour territorialiser une politique publique ?

Parce qu’il y a ce champ aveugle en matière de politique publique : le recours organisé au terrain qui peut apporter des solutions que nous ne pourrons pas fabriquer autrement. Pendant cette crise sanitaire, aucune usine, aucun groupe ne peut aligner 300 000 machines à coudre avec leur couturières (iers) et survivre après la crise : http://agirlocal.org/aide-aux-soignants-puis-tous/

Une organisation transverse, citoyens-élus-préfet, le peut. Et peut aussi se retirer progressivement au retour à la normale.

Cette crise sanitaire peut apporter des solutions, mais aussi servir comme une sorte de première répétition pour passer les crises à venir ». 

Le résultat est là : 21363 masques afnor produits et distribués au 12 mai, (40 000 au 2 juin) dans 10 communes du Val d’Oise totalisant 200 000 habitants, voilà ce que nous avons fait ensemble, bénévolement ;

Jusqu’à 400 couturières bénévoles au travail dont quelques hommes, une soixantaine d’organisateurs et d’organisatrices (600 en tout au 2 juin), dont 8 maires engagés, de tous bords, l’ESSEC et l’université de Cergy-Pontoise en soutien, un groupe projet d’une vingtaine de personnes pour organiser chaque semaine notre montée en compétence, un site pour partager cette compétence, cette force bénévole, bien au delà de nos 10 communes, voilà comment nous avons construit et fait tourner notre usine citoyenne. En nous servant de ce qui a été développé depuis le Grenelle de l’environnement, l’appel à l’action locale et les outils nécessaires.

Nous avons tenté de généraliser ce prototype en vraie grandeur d’usine citoyenne, sans succès à ce jour : répliqué il aurait produit 8 millions de masques jusqu’au sortir du déconfinement (13 millions au 2 juin). Plus si les pouvoirs publics avaient répondu présent, ils ne l’ont pas fait.

Des masques en très grand nombre ont néanmoins été produits partout, bénévolement, autrement que sous la forme de l’usine citoyenne ; parfois pour la seule famille, y compris dans nos 10 communes. Une évaluation par sondage (de la presse ?) ne serait pas de trop.

Seule indication disponible : le site www.agirlocal.org, vitrine à projets pour le climat a été mis au service de l’usine citoyenne ; la page d’appel a été vue plus de 4000 fois , celle sur les patrons AFNOR, tutoriels et les spécifications traduites en langage courant, plus de 7000.

La reconnaissance de celles et ceux à qui nous avons distribué des masques est notre plus belle récompense. Dans un ordre chronologique, cette pharmacienne désespérée de ne pouvoir porter des masques dans ce cluster qu’est une pharmacie, cet Ephad sans protections, ce policier dont la brigade de 15 personnes a touché 2 masques chirurgicaux, cette association qui s’occupe d’autistes qui demande 10 masques et les a dans les deux heures ; les personnes fragiles que les masques ont protégé, celles qui sont sorties de chez elles pour faire tourner le pays avec nos masques. Voilà notre remerciement. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait.

L’histoire s’arrête-t-elle là ? Nul ne le sait.

Les besoins nationaux restent massifs : 50 millions de personnes en âge de les porter, 2 masques en tissu par personne, lavables 2 semaines, 50 millions de masques par semaine pour 20 millions disponibles dit le gouvernement.

Parmi ces personnes, 10 millions de pauvres ne seront  pas en mesure d’acheter des masques : question de bienveillance et de santé publique.

Et maintenant ? La crise économique, sociale et financière va nous tomber dessus à la rentrée, la crise climatique nous mine, jour après jour. Economiser du CO2 est et reste un levier de création d’emploi, continue de donner du pouvoir d’achat, d’augmenter le bien-être. Ce levier est et reste majeur.

Retour aux faits climatiques, ils sont têtus.

II-En matière de climat, nos politiques publiques ont un champ aveugle :

Les 25 COP et les politiques nationales depuis le Grenelle de l’environnement ont fait la démonstration de leur nécessité mais aussi de leurs limites, sans actions locales efficaces, massives, articulées avec les injonctions nationales.

A lire les rapports des scientifiques du climat, il ne reste pourtant que deux mandats municipaux avant le déclenchement des 2°C de réchauffement de l’atmosphère.

Pourrait-on s’organiser pour construire des projets de transition locaux, efficaces, massivement reproductibles, pour écarter la menace climatique et avec elle traiter les 3 autres crises, sociales, financières, économiques ?

Comment articuler les injonctions gouvernementales avec les initiatives citoyennes ?

Un outil de mobilisation territoriale co-construit :

Comme directeur de la stratégie et du développement durable à la Direction régionale de l’équipement Île de France, j’ai été amené pour « territorialiser le Grenelle » à construire un outil de mobilisation des quelques 5 millions de familles, 500 000 chefs d’entreprises et plusieurs dizaines de milliers d’élus que compte l’Île-de-France. Et dans la foulée, des actions, des projets, des démonstrateurs massivement reproductibles. Ceci avec les 8 établissements publics d’aménagement d’Île-de-France d’alors puis progressivement avec plusieurs milliers d’acteurs locaux : citoyens, entrepreneurs, élus locaux.

L’outil a pour coeur un double tableau de bord territoire-projet. Centré sur les maires, il permet de mesurer l’efficacité d’un projet par son impact sur le territoire, avant tout commencement et dans la durée, d’articuler les initiatives des habitants, entrepreneurs et élus locaux avec les injonctions gouvernementales.

Il a contribué, avec les projets résultants, à rendre visible le métabolisme des territoires et a fait la preuve de son efficacité par exemple avec le démonstrateur sur le chauffage urbain aux énergies renouvelables et de récupération : un enjeu à 5 milliards de PIB par an, des emplois non délocalisables et la stabilisation des charges locatives qui vont avec;

L’outil permet de changer le métabolisme des territoires, métabolisme conçu non comme une analogie médicale mais concrètement comme les productions et les consommations locales, les flux de personnes, de marchandises, de connaissances et d’argent qui entrent et sortent de ces territoires ; métabolisme qu’il s’agit de changer par des petits projets démonstrateurs, massivement reproductibles ; à structure territoriale quasi constante, dans le temps qui reste.

Retour d’expérience :

Le volet financier des expériences et projets opérationnels (je devrais dire l’absence de volet financier concourant) amène à soutenir le pacte finance-climat lancé par Jean Jouzel et Pierre Larouturrou. Sur deux considérations : Le prêt à taux zéro a pour vertu d’effacer les empilements institutionnels, les temps de retour sur investissement et autres spéculations sur les désirs de consommer et la demande solvable ; un budget européen a pour vertu de subventionner ce que le marché ne saurait financer et ce besoin de financement est crucial; vieille histoire.

Le principe est aujourd’hui acquit en Europe d’une banque du climat et de la biodiversité, d’un budget européen mais la mise en musique est loin du compte.

L’expérience opérationnelle accumulée a fait quant à elle la démonstration par l‘absurde, répétée, qu’il manquait deux outils essentiels.

  • Une ingénierie publique, tiers de confiance, pour franchir les deux falaises techniques et institutionnelles (et leurs modes de financement des projets) que rencontre tout projet sur le terrain ; une ingénierie constituée à partir de l’existant (fonctionnaires d’Etat et de la territoriale, ADEME…) en différenciant les villes et les campagnes au sein de chaque département, au service des habitants, des entrepreneurs des élus locaux. De quoi produire une nouvelle forme de démocratie, dans l’action ; une forme qui ne remet en cause ni la démocratie représentative ni l’expression par référendum mais les mettent à l’oeuvre urgente.
  • Une vitrine à projet permettant de ne pas réinventer l’eau sucrée aux quatre coins du territoire national, d’adapter chaque type de projet aux spécificités des lieux.

Ces deux propositions d’outils ont été envoyées au grand débat puis à la convention citoyenne ; ni l’une ni l’autre instance ne semble avoir identifié leur incontournable nécessité.

Les municipales

La perspective des élections municipales et la publication en juin 2020 de l’empreinte carbone nationale par le Haut Conseil pour le Climat ont alors permis- en jouant un des rôles de l’ingénierie publique tiers de confiance- de combler partiellement ce vide béant des politiques publiques : fournir au acteurs locaux de quoi calculer leur empreinte carbone à la commune, gratuitement, en moins d’une heure.

C’est le degré zéro de la machine à inventer des projets locaux efficaces, de la capacité à trier entre de la décoration verte et un plan d’action efficace ; en particulier en utilisant cet indicateur simple, compréhensible par tout un chacun : la tonne de CO2 économisée à l’euro dépensé.

Le tableur est assorti d’un kit transition à la commune et l’intercommunalité et d’un kit formation pour les forces vives des territoires. Cet outillage est affiché dans la vitrine à projet qu’est mon site http://agirlocal.org/kit-transition-locale/ et en particulier le document outil qui développe à usage des acteurs locaux le pourquoi et le comment faire, quelques projets efficaces qui ont fait leurs preuves et des instruments de mobilisation des acteurs locaux : http://agirlocal.org/agir-local-document-outil/

III-Penser local pour agir global : une mobilisation multi-projets

Ce qui apparaît aujourd’hui comme un (trop) long cheminement a convergé sur le lancement d’une initiative à l’ESSEC le 4 février dernier dont l’intitulé est un impensé qui nous a empêché de progresser : penser local pour agir global.

Pour autant, cette initiative arrivait sans doute au bon moment, après les gilets jaunes, Greta Thunberg , le grand débat puis la conférence citoyenne. En tous état de cause, 200 personnes dont 2 sénateurs et nombre d’élus locaux étaient présents, 2 heures durant, avec un panel, d’entrepreneurs, d’associatifs et de citoyens.

Le pourquoi et le comment sont détaillés dans cet article abondamment illustré de 4 pages de texte :

http://agirlocal.org/wp-content/uploads/sites/15685/2020/02/20200218-V4-ESSEC-introduction.pdf

Et les participants ont voulu poursuivre. Ce que nous avons commencé à travailler le 3 mars, cette fois avec l’université de Cergy-Pontoise.

A partir du constat que nous n’avons plus le temps de réaliser des grands projets à deux mandats municipaux d’ici, le travail s’est centré sur les petits projets, massivement reproductibles, aptes à réduire tout aussi massivement les émissions de gaz à effet de serre (qui développent emploi et bien-être), sans se priver de traiter directement des autres enjeux du développement durable identifiés lors du Grenelle de l’environnement : biodiversité, économie soutenable, bien être, ressources naturelles, risques et nuisances.

Il est alors apparu clairement qu’une cinquantaine de projets locaux, massivement reproductibles, dans 4 champs à portée de décision locale- nourriture, déplacements, bâtiments, énergies renouvelables- étaient en mesure de réduire de 80% nos émissions de gaz à effet de serre. Cet appel aux têtes de listes aux municipales en résume un mode de déclenchement en 15 lignes: http://agirlocal.org/tetes-de-listes-20200302/ et la page en annexe un mode de faire.

Le suivi de notre programme de travail est posté ici : http://agirlocal.org/penser-local-pour-agir-global/

Cette initiative a été suspendue par la crise sanitaire. Nous allons la reprendre, le moment venu, en nous adossant aussi à notre réseau constitué avec l’usine citoyenne de fabrication de masques. Nous allons tenter de bâtir avec celles et ceux qui le veulent une ingénierie publique, tiers de confiance.

IV-Une ingénierie publique, tiers de confiance ;

Il n’existe probablement pas de solution miraculeuse mais des organismes publics territoriaux, opérationnels publics, tiers de confiance, transverses aux 6 étages de gouvernement, de la commune à l’Europe, peuvent incarner l’intelligence collective nécessaire, stratégique, territoriale.

Pas pour débattre et repartir chacun dans son coin, non, pour construire des projets ensembles, pragmatiquement, dans la durée : les 6 étages de gouvernants et les français.

Ils peuvent contribuer à rétablir du lien, de la confiance, dans l’action menée ensemble sur le terrain, citoyens, entreprises, élus, préfets ; pas avec des discours, mais bien avec des actes, au plus près du terrain. En transverse.

Car pour agir ensembles, nous avons besoins de gens qui savent, agissent en mode projet, soient capables d’aider les acteurs de terrain, les citoyens à monter leurs projets ensembles. Autrefois, sous une autre forme et à destination des seules communes cela s’appelait l’ingénierie publique. Les maires ruraux lui faisaient confiance.

Quelle forme le tiers de confiance pourrait-il prendre ? Esquisse de cible:

« Un organisme public, tiers de confiance, est créé dans chaque département et intercommunalité de plus de 200 000 habitants. Il a pour mission d’aider les citoyens, les petites entreprises locales, les élus locaux à monter des projets opérationnels de leur initiative visant à réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre. Il capitalise et diffuse les expériences réussies, met à disposition l’ensemble des éléments qui permettent leur reproduction, leur amélioration. »

Cette proposition suppose la création progressive de 150 agences, dont 100 départementales financées par l’Etat et les départements et 50 urbaines financées par les collectivités concernées et par l’Etat. La moitié des postes pourrait être occupée par des titulaires en place des collectivités ou des directions territoriales de l’Etat et de l’Ademe ; elle fournit l’occasion d’améliorer une décision qui s’est avéré contre productive telle que : les ressources humaines de l’Etat d’un côté et l’argent de l’Etat à l’Ademe de l’autre.

Concentrées sur les projets, le nombre d’agences est un atout car chacune peut se centrer sur tel ou tel type de projet issu de son territoire et diffuser aux autres ; ensembles elles peuvent pointer les projets à construire et s’organiser pour combler les manques collectivement. Elles tiennent la vitrine à projet.

Composées de professionnels venant de tous horizons et de toutes les structures, réunies par une mission motivante, chaque fois sous la direction d’un professionnel soigneusement choisi pour ses compétences, elles tractent les projets, préparent les décisions, sous le regard des autres.

Ensembles, elles permettent une prise en main méthodique et industrielle du sujet, le contraire des politiques d’incitation qui se soldent par l’actuelle course aux guichets et le gâchis d’argent public saupoudré, faute de ce tiers professionnel de confiance, responsable global sur un territoire.

Quelle valeur ajoutée ?

Est-ce un 7ème étage de gouvernement? Surtout pas : il s’agit de constituer une communauté de projets sur des territoires à géométrie variable avec les projets.

En réseau, horizontal, chaque agence part du bilan carbone de chaque territoire, fournit par l’Insee, s’est doté de la panoplie d’actions qui produisent des économies d’argent en économisant du C02 et finance les projets avec le pacte finance climat. Voir les 5 propositions versées au grand débat national puis à la convention citoyenne :  http://agirlocal.org/5-decisions-a-prendre/

Ce qui permet aussi de monter des projets pour la puissance publique, ou à partir d’elle ou avec son appui :

-Exemple concret : l’efficacité énergétique des bâtiments de la puissance publique sur un territoire : mairies, écoles collèges, lycées, hôpitaux, Préfectures… Un même diagnostic, mené par les services respectifs dans un cadre commun, un plan d’action co-construit, dans la durée, créateur d’emplois locaux, un même appel à prestataires qualifiés pour mener à bien ce qui doit l’être et développer un vivier d’entreprises auxquels les particuliers puissent faire appel. Voir :

http://agirlocal.org//wp-content/uploads/sites/15685/2016/02/20160625-fiche-action-collectivite%CC%81s-et-e%CC%81tablissements-publics.pdf

-Autre exemple : la précarité énergétique d’une veuve âgée dans son pavillon trop grand peut être réglée par la colocation à de jeunes étudiants, ce qui permet avec l’argent des loyers, de rénover thermiquement le pavillon ; une banque-assurance garanti la bonne fin de l’opération en cas de décès de la veuve. Le Crous, la SEM à énergie positive en Île de France (elle a changé de nom), les prêts à taux zéro, sont là. Il manque le tiers de confiance pour finaliser le projet. Voir pages 55-60 de http://agirlocal.org//wp-content/uploads/sites/15685/2016/02/synthese_transition_2014_part_ii_-_web.pdf

Il y en a d’autres, certains mis en œuvre, voir le kit transition, déjà cité ou les onglets projets et démonstrateurs du site http://agirlocal.org/ : en particulier rénovation énergétique de maisons groupées, tiers lieux sur les gares, chauffage urbain aux énergies renouvelables et de récupération.

La création de tiers de confiance crée une nouvelle forme de démocratie dans l’action. Une nouvelle forme de démocratie qui ne revient ni sur la démocratie représentative, ni sur l’organisation des pouvoirs publics. Une forme de démocratie qui fédère par projet, local. Une organisation qui met en mouvement 30 millions de ménages, 5 millions d’entrepreneurs, plusieurs centaines de milliers d’élus locaux ; une puissance de changement sans égale.

Et qui laisse entière la responsabilité de nos gouvernants. Il y a bien d’autres matières à décider de nos biens communs qui ne peuvent l’être que par ceux que l’on a élu pour cela.

Articuler les initiatives de terrain et les décisions des gouvernants, n’est-ce pas une bonne question ?

V-Quelle proposition politique ?

Le démonstrateur usine citoyenne de masques covid19 a eu l’effet escompté : d’une part une production effective de masques et de l’autre le constat de la valeur ajoutée de l’ingénierie tiers de confiance que le collectif 95 a constituée, comme de la vitrine à projet que le site agirlocal.org a improvisé ; évidemment pas avec le professionnalisme ni les moyens du tiers de confiance et de la vitrine à projet cible ; et avec des enjeux financiers marginaux, des enjeux de réduction de gaz à effet de serre négligeables.

L’usine citoyenne de fabrication des masques AFNOR a néanmoins fait la démonstration de la puissance potentielle d’une telle mobilisation, de sa capacité d’organisation et de création d‘un réseau dédié en quelques jours, sur un sujet dont les citoyens ignoraient à peu près tout au moment du déclenchement de l’épidémie.

La mobilisation au delà de l’échelle communale a évidemment cruellement manqué.

Dans la période, en ces temps de monde de demain, force est de constater que nos gouvernants et les prétendants -de tous bords- ne sont collectivement pas prêts à l’action locale. Et n’apparaissent pas plus prêts demain. Il n’est que de lire leurs déclarations générales : pas de trace de projets locaux massivement reproductibles ni de proposition d’organisation articulant citoyens-élus-gouvernants.

On ne peut pas en dire autant de bien des citoyens. Ils sont beaucoup à mettre la main à la pâte ; mais cela ne se voit pas. Personne ne les compte. Nous ferions bien de nous compter, de nous organiser en conséquence. C’est le sens des 50 projets de réduction de 80% des gaz à effet de serre, de l’appel aux têtes de liste à déclarer l’urgence climatique dans leur commune http://agirlocal.org/tetes-de-listes-20200302/

Les aménageurs savent qu’on ne changera pas les territoires dans le temps court qui reste : deux mandats municipaux avant le déclenchement des 2°C de réchauffement. Il n’y a pas non plus de périmètre administratif idéal pour tous les projets.

Nous ne pouvons que changer le métabolisme de nos territoires, à organisation institutionnelle et infrastructures constantes et donc en mode projet, à périmètre territorial variable avec les projets. La planification territoriale nécessairement enfermée dans des périmètres administratifs ne paraît pas le meilleur cap pour éviter le pire. C’est un convaincu de la planification et de sa mise en œuvre qui le dit. La porte de sortie est dans l’intelligence stratégique territoriale. Elle n’exclut pas la planification stratégique au sens Delouvrier du terme, pour peu qu’elle étende son objet au delà des élus, aux habitants et entreprises considérés comme des acteurs responsables du métabolisme de leur territoire : habitants, entreprises, élus donc.

Habitants, le changement climatique ne peut être écarté qu’en changeant nos modes de vie. Nous ne nous laisserons pas imposer par le haut un changement de nos modes de vie[1]. En nous engageant dans des projets, si.

Entrepreneurs, l’industrie fossile ne se rendra pas sans que son marché dépérisse, ses actifs se dévalorisent par des choix citoyens -au jour le jour sur leurs achats ou plus ciblés sur les projets- ou/et par la contrainte réglementaire. La transition va devoir continuer à se développer en présence de prédateurs, organisés.

A contrario, les industries qui ont intérêt à la transition pour se développer ou pour ne pas se retrouver hors marché, sont déterminantes. L’entreprise de mission laisse entrevoir une toute autre perspective que celle des prédateurs.

Elus, nous avons besoin de toutes les échelles de territoire et tous nos élus ; les communes à l’évidence comme l’a montré en positif l’usine citoyenne de fabrication de masques, en négatif toutes les autres échelles de territoire. L’existence d’intercommunalités a le mérite de rétablir un minimum d’ingénierie territoriale sur tout le territoire national. Nécessaire, visiblement pas suffisant, à vision politique constante.

Sauf exception -le Loiret, Lille pour évoquer deux cas connus de notre collectif95- la majorité des élus n’a guère su faire autre chose en matière de masques que de se jeter exclusivement sur les commandes avec l’argent public dans le chacun pour soi ou attendre que les pouvoirs publics (les autres) fassent le nécessaire.

C’est donc élection après élection, territoire après territoire, que l’on peut imaginer des formes d’organisation qui construisent l’ingénierie publique tiers de confiance et la vitrine à projet. Ici dans un département, là dans une région, ailleurs dans une intercommunalité en particulier lorsque le milieu est hostile à cette construction d’intelligence collective.

Cela demande une organisation souple et une activité citoyenne dans les communes, que leur maire soit engagé, réticent, hostile (de fait) ou pas.

Les partis politiques ont un rôle majeur de coopération à jouer pour peu qu’ils acceptent -paradoxalement- de travailler localement de façon transpolitique, c’est à dire à la façon dont travaillent les intercommunalités.

L’espace politique est en tous cas ouvert.

La prochaine présidentielle devient un enjeu vital pour une généralisation de cette articulation citoyens-élus-Etat, sur un mode projet.

Cette articulation a deux vertus :

-L’efficacité d’abord : économiser du CO2 donne du pouvoir d’achat, augmente le bien-être et crée de l’emploi. Cela ne devrait pas être politiquement dissuasif. Avec cette augmentation de pouvoir d’achat, on peut investir dans le renouvelable, le bien-être, diriger la création monétaire sur l’économie réelle plutôt que sur la spéculation.

-De façon inattendue, elle a une deuxième vertu : la création d’une nouvelle forme de démocratie par l’engagement dans les projets locaux ; une forme de démocratie qui ne remet en cause ni la démocratie représentative ni les référendums.

ANNEXE  Novembre 2019

Agir local

Les 25 COP et les politiques nationales depuis le Grenelle de l’environnement ont fait la démonstration de leur nécessité mais aussi de leurs limites, sans actions locales efficaces, massives.

A lire les rapports des scientifiques du climat, il reste deux mandats municipaux avant le déclenchement des 2°C de réchauffement de l’atmosphère.

1- C’est pourquoi, au vu des expériences de terrain de plusieurs milliers d’acteurs locaux, il est apparu utile de faire 5 propositions de décisions nationales (septembre 2019) : http://agirlocal.org/5-decisions-a-prendre/

Elles ont été postées à la convention pour le climat.

2- C’est pourquoi, sans attendre ces décisions et leur mise en oeuvre, un tableur a été fabriqué, adossé aux données du Haut Conseil pour le Climat : il permet de calculer l’empreinte carbone de chacune des 35 000 communes de France, de leur intercommunalité et jusqu’à la région ; il est gratuit et calculable en bien moins d’une heure.

L’empreinte carbone permet de mesurer par exemple si les projets proposés par les candidats aux municipales sont de la décoration verte ou un plan d’action efficace. Et pour nous même d’agir efficacement : http://agirlocal.org/mode-calcul-emissions-co2e-a-la-commune/

3- Il est intégré dans un kit transition  qui propose des solutions concrètes mises au point par plusieurs milliers d’acteurs locaux ainsi qu’un ppt de lancement local : http://agirlocal.org/kit-transition-locale/

On y constate qu’économiser du C02 donne du pouvoir d’achat que l’on peut réinvestir dans la transition.

4- Il est complété par un dossier formation transition qui comprend, outre le kit transition locale :

– Un 2 pages grand public pour introduire un échange citoyen en réunion publique,

– Un ppt de formation à destination des acteurs motivés pour agir local. Il clôt sur un dispositif pour agir ensemble localement, efficacement.

– Une note de méthode d’une page, à discuter, adapter et partager entre élus, citoyens et entrepreneurs d’un conseil du développement durable pour contrer ensemble la menace climatique.

Il est téléchargeable à: http://agirlocal.org/kit-formation-agir-local/

Cet ensemble pourrait être utilisé pour les programmes des équipes qui se présentent aux municipales.

[1] Les citoyens peuvent-ils proposer des orientations contraires à leur intérêt immédiat ? Voir Jacques Testart « comment les citoyens peuvent décider du bien commun ». La piste qu’il a ouverte et travaillée en collectif est inexploitée.

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